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Après avoir triomphé des épreuves du château de la merveille, Gauvain apprend que, s’il en est devenu le maître, il ne peut néanmoins plus quitter le château. Après quelques négociations avec la reine, il obtient de pouvoir sortir à condition de rentrer tous les soirs.
Comment interpréter ce passage si l’on considère que le conte du Graal n’est pas un simple roman de chevalerie, mais un manuel d’initiation ? [1]
 

Une indication très précieuse pour l’interprétation des aventures de Gauvain au château de la merveille est à mon sens fournie par la nature de l’épreuve que doit surmonter Gauvain : le lit de la merveille. Ainsi, il s’agit d’une épreuve qui survient pendant le sommeil, c’est à dire d’une épreuve sur le plan astral [2].
Nous savons que le corps astral, si subtil, entoure de toute part et pénètre le corps grossier de la personnalité. Nous savons aussi que tous les corps de la personnalité coopèrent les uns avec les autres. Par exemple, l’influx astral parvient au corps physique par le foie ; c’est donc le foie qui détermine la nature du centre émotionel du coeur ainsi que l’état du cervelet. A son tour, le cervelet, contrôle la circulation des courants dans le feu du serpent, l’axe de la conscience [3]. Or la nature de nos désirs, de nos aspirations, de nos pensées, volontés et actions est toujours gravée dans la substance du véhicule astral. Ainsi, chacun transmet au véhicule astral sa nature intérieure, ses intentions et ses aspirations.
 
L’état du véhicule astral détermine également la nature des expériences nocturnes, des expériences faites pendant le sommeil. Même si, au réveil, vous ne vous souvenez d’aucune de vos expériences nocturnes, ou tout au plus de quelques bribes seulement, au travers de rêves confus et trompeurs, il est absolument certain que l’endroit où vous allez pendant le sommeil, le champ astral de respiration, où vous séjournez et où votre corps reprend des forces pour le lendemain, est parfaitement conforme à votre mentalité, à vos désirs et à vos actes. Par conséquent les hommes sont attirés, durant le sommeil, par le champ astral correspondant à leur aspiration.
On peut se représenter l’aspiration des hommes, dans toutes ses gradations, comme les marches d’un escalier, escalier ayant sa contre-partie dans le monde astral. Au sommet de l’escalier se manifeste un état astral correspondant aux plus hautes aspirations dont l’homme soit capable en vertu de son état ordinaire d’être né de la nature. Tout ce qui dépasse ce degré n’est plus de la terre, mais appartient à l’essence du royaume originel, le monde de l’état d’Ame vivante.
A ce point, dans cet état d’être extrême, on pourrait dire que l’on est parvenu à une limite, à un seuil, où l’on sera jugé sur un critère astral [4]. Un homme veut-il franchir la Porte de ce Temple, alors il doit absolument posséder la nature, l’état d’Ame vivante.
Dans tous les récits initiatiques, le passage de ce seuil est représenté comme une épreuve. Dans le conte du Graal, c’est la triple épreuve du lit de la merveille.
 
La renaissance de l’âme de la tradition initiatique gnostique est avant tout la naissance d’un nouvel être astral. Un être-âme est en premier lieu un être astral qui, dès son apparition, se communique au sang, au fluide nerveux et à la secrétion interne et se manifeste également dans les organes de l’intelligence. Dès que ce nouvel être-âme pénètre en nous, dès que ces nouvelles influence astrales font irruption en nous, un nouveau pouvoir apparaît, une force nouvelle circule dans notre être entier et influence tous nos pouvoirs humains ordinaires.
Nous comprenons donc qu’à un moment donné, le candidat doit abandonner de manière conséquente et systématique la conduite de sa vie à l’âme nouvellement née. C’est pourquoi dans le conte, Perceval disparaît au profit de Gauvain.
 
Et, quand après une phase de croissance [5] le seuil du nouveau champ astral peut être franchi - l’épreuve du lit de la merveille est passée avec succès - nous mourrons à la sphère astrale de ce monde : nous n’y avons plus accès, nous n’y trouvons pas de place pour notre nouveau soi astral. En revanche, l’être-âme est admis dans le champ astral de l’âme vivante. C’est pourquoi Gauvain retourne toutes les nuits au château de la merveille, le nouveau champ astral.
Il ne s’agit donc pas là d’une punition, mais d’une bénédiction, voire d’une absolue nescessité pour le candidat. En effet, la sphère astrale a un grand pouvoir plastique ; les pensées, désirs, sentiments et volontés s’y inscrivent. Etant donné la conduite générale de l’humanité et le pouvoir de la matière astrale d’imprimer force et vie à tout ce qui s’y projette, il est clair que cette sphère de notre champ de vie est extrêment souillée et complexe, et totalement funeste à toute vie de l’âme : aucun chevalier n’étant entré au pays de Galvoie n’en est revenu vivant nous dit le conte.
Tous les aspects subtils de l’homme qui entrent la nuit dans cette sphère sans correspondre avec la nature de celle-ci sont simplement anéantis et l’homme reçoit à la place de la matière astrale correspondant à la vibration de cette nature. Il en va donc de nous comme de la pistis sophia dans l’évangile de Valentin [6] où ce phénomène est décrit : nous sommes dépouillés continuellement de notre "force-lumière".
 
Il est donc vital que le candidat parvienne à accéder au nouveau champ astral.
Dans le corpus hermeticum, hermès décrit ainsi le franchissement de ce cap :
 
"Quand à moi, j’inscrivis en moi-même les bienfaits de Poïmandres et, en étant comblé, une joie suprème descendit sur moi. Car le sommeil du corps était devenu la lucidité de l’âme ; l’occlusion des yeux, la contemplation véritable ; le silence, une gestation du bien ; l’énoncé de la Parole, l’oeuvre fructueuse du salut."
 

Notes :

[1] On trouve un passage similaire dans les noces alchimiques de Christian Rose-Croix : Alors qu’il a tout accompli, CRC apprend qu’il ne peut retourner chez lui mais doit rester comme gardien d’un des portails menant au château des noces.

[2] Aucun anachronisme ici : les anciens connaissaient les mondes subtils et enseignaient à leur sujet. L’histoire de "la tête d’âne" circulant dans le milieu Cathare et rapportée dans les registres de l’inquisition en est une illustration frappante.

[3] voir les différents articles sur le symbole de l’arbre

[4] Dans les Noces Alchimiques de Christian Rose-Croix, ce seuil est représenté par le Temple du Portail

[5] voir l’article sur les premières aventures de Gauvain

[6] PISTIS SOPHIA - éditions Archè 1975


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