Shanamêh, le livre des rois Iranien

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On trouve fréquemment chez les universitaires des références à un prototype Iranien du Parzival de Wolfram. On doit cette origine supposée du Parzival à deux articles des années 1930 de Suhtscheck [1]. Mais que raconte exactement ce fameux Shâ-Nâmeh, le livre des rois Iranien ?
 

Composé vers l’an 1000 par le grand poète Firdoussi et comprenant 50.000 vers, le Shâ-Nâmeh est aussi considéré et connu en Iran que l’Odyssée d’Homère ou La Divine Comédie de Dante en Occident.
 
Le Livre des Rois est une gigantesque épopée sur les temps anciens où de sages princes conduisaient leurs peuples de façon juste et portèrent leur civilisation à un immense épanouissement. On rapporte de Jamshid, le quatrième roi de cette période, que son trône flottait dans l’air et qu’il possédait une coupe magique à sept cercles. Dans la mythologie de la Perse cette coupe est connue comme la Coupe de Jamshid. Plus tard elle fut appelée La coupe qui reflète l’univers. Jamshid cependant, trop satisfait de lui-même, tomba sous l’emprise du mal. " Sur terre, je ne connais que moi-même. le trône royal n’a encore jamais vu un homme aussi fameux que moi. " Son esprit s’égara et il fut détrôné par un jeune homme aux ordres du mal. Ainsi débute la lutte toujours actuelle entre le bien et le mal, symbolisée par le combat entre Iran et Turan.
 
Le roi Jamshid n’est pas une invention de Firdoussi. Ses descriptions du passé iranien et de ses dix-sept premiers rois ont pour fondement l’oeuvre de Zoroastre (env.628-551 av. J.-C.) qui propagea en Perse l’enseignement monothéiste d’Ahura Mazda et de son adversaire Ahriman. Jamshid est l’ancien roi Yima des traditions zoroastriennes, qui remontent à la préhistoire de l’Inde.
Le règne de Yima est connu comme l’Age d’Or où n’existaient ni maladie ni mort. C’était un prince juste et sage surnommé le Bon Berger. Le nombre d’immortels s’accrut tellement vite sous sa direction qu’il décida d’agrandir la Terre trois fois. Mais le démon Mahrkusha envoya un terrible raz-de-marée suivi d’étés torrides qui provoquèrent une sécheresse telle que seul Ahura Mazda put empêcher l’extermination des humains. Il demanda à Yima de creuser une demeure souterraine où tous les hommes et tous les animaux trouveraient un abri et où l’eau, les arbres, des fleurs et des fruits abonderaient.
On dit que c’est l’orgueil de Yima qui provoqua la catastrophe. Il se serait détourné de son Créateur et enfermé dans l’erreur. L’Age d’Or se termina et Yima devint mortel. Dès qu’il propagea ses fausses idées, la Lumière de Gloire (Xvarnah) se retira. Selon les Iraniens tous les rois légitimes possédaient cette lumière. Zoroastre dit :
 

Elle éclaire chaque ciel qui, d’en-haut, rayonne de lumière,
qui s’étend au-dessus et autour de cette terre,
tout à fait comme un jardin créé dans le monde spirituel rayonne sa lumière sur les trois parties de la terre. [2]

 
Dans les récits et légendes de la lutte entre Iran et Turan apparaît Kay Khosrou, le huitième et dernier roi de la dynastie des Kayanides. Sa vie et sa quête présentent beaucoup d’analogies avec les légendes occidentales de la table ronde et du Graal.
Son grand-père - le roi d’Iran - décida un jour d’attaquer directement le royaume des démons. Ses adversaires le firent prisonnier et lui crevèrent les yeux. Grâce au héros Rustam, qui brava sept dangers, le roi revint finalement sur le trône d’Iran. Son fils reprit la lutte contre Turan mais, contraint par les circonstances, s’entendit avec son ennemi, le roi de Turan et épousa sa fille, Farangis. Peu après il fut trahi et tué. Farangis était enceinte et mit au monde après la mort de son époux un fils nommé Kay Khosrou, prototype de cette dualité Bien-Mal qui régit le monde (ses grands-parents étant respectivement les rois d’Iran et de Turan).
Comme dans les légendes du Graal (notamment dans le Parzival), il apparaît que les gardiens de la coupe magique ont beaucoup démérité. Il faut un acte énergique pour faire revenir sur terre la Coupe de Jamshid aux sept cercles, où l’univers se reflète.
La jeunesse de Kay Khosrou ressemble à celle de Perceval. Leurs pères sont tous deux assassinés traîtreusement. Tous deux sont fils de seigneurs et grandissent auprès de d’une veuve dans la solitude d’une forêt. Jeunes hommes, ils se sentent attirés par la chevalerie. Quand Kay Khosrou, pour la première fois, se trouve devant le roi de Turan, il passe pour un sot et ne parle pas de ses origines, tout comme Perceval qui ne sait même pas son nom.
Kay Khosrou arrive finalement en Iran auprès de son grand-père qui le fait aussitôt roi. Il jure de venger l’assassinat de son père, et de n’avoir pas de repos avant d’avoir vaincu le méchant roi de Turan.
Kay Khosrou, comme Perceval, se donne pour objectif de rétablir la justice divine originelle.
Un jeune Iranien est fait prisonnier à Turan. Pour le sauver Kay Khosrou, le jour du Nouvel An Perse, met un vêtement spécial, ceint la couronne des Kayanides, puis prend le globe dans lequel l’univers se reflète, et tente de découvrir le jeune homme dans l’un des sept mondes. Bientôt la lutte décisive entre Iran et Turan commence. Kay Khosrou bat le roi de Turan, qui s’enfuit dans son étincelant palais de Gangbehest. Après un long siège, Kay Khosrou vainc son adversaire. Alors commence une période éclairée de soixante ans.
A la fin de sa vie, Kay Khosrou avec huit chevaliers gravit une haute montagne. Quand il les avertit de la difficulté du chemin à venir et leur conseille de s’en retourner, trois chevaliers l’écoutent, mais cinq continuent à l’accompagner jusqu’au moment où ils arrivent à une source. Là le roi prend congé de ses chevaliers, se baigne dans l’Eau de la Vie et disparaît. Les chevaliers le cherchent et s’attardent trop longtemps sont tous retrouvés morts.
 
On retrouve cette coupe de jamshid dans de nombreux poèmes Iraniens, comme dans le Divan de Hafez :
 
Pendant des années nos coeurs ont désiré le pouvoir de la coupe de Jamshid
Et ont cherché auprès d’autres ce qu’ils avaient en eux-même

Notes :

[1] voir l’article "les mytes fondateurs"

[2] Ce mythe séculaire présente la phase du développement de l’humanité durant laquelle les prêtres-rois existaient encore. L’humanité était alors guidée par ces rois qui possédaient la Coupe de Jamshid ou Lumière de Gloire. Ils étaient reliés à l’Esprit de Dieu et avaient pour tâche de protéger leur peuple grâce à une société juste et ordonnée afin qu’il puisse se développer.On retrouve la description d’une telle prêtrise royale dans l’Egypte antique.


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